
Le kératocône est une dystrophie cornéenne idiopathique caractérisée par un amincissement non inflammatoire de la cornée, une protrusion cornéenne et un astigmatisme myopique irrégulier. Le kératocône est une affection dont le diagnostic s’effectue généralement au cours des premières décennies de l’existence. L’âge moyen de découverte du kératocône était de 27,3 ± 9,5 années selon Zadnik et al. [1] Le dépistage des formes infracliniques demeure problématique et demande une attention particulière surtout avec l’avènement de la chirurgie réfractive.
Le diagnostic du kératocône reposait principalement sur la topographie cornéenne qui reste un examen incontournable dans le dépistage des formes précoces du kératocône[2], mais cette technique ne tient pas compte des modifications anatomiques qui surviennent durant les différents stades d’évolution de cette maladie.
Actuellement, L’amélioration de la résolution des OCT permet l’accès à l’étude de l’architecture cornéenne fournissant des éléments pour le dépistage du kératocône fruste et le diagnostic précis de la gravité d’un kératocône avéré[3].
Imagerie par Tomographie par cohérence optique (OCT)
La Tomographie par cohérence optique du segment antérieur (OCT-SA)a permis d’utiliser une résolution très élevée avec un appareil sans contact pour étudier plusieurs éléments notamment la cornée ainsi que son épaisseur, elle permet aussi d’étudier l’angle irido-cornéen, la forme de l’iris et du cristallin.
L’OCT-SA est une technique d’imagerie du segment antérieur non invasive qui utilise un principe d’interférométrie à basse cohérence pour offrir in vivo des coupes sagittales reconstruites des structures tissulaires. Depuis les premières images du segment antérieur réalisées au milieu des années 1990, l’OCT-SA s’est rapidement développé avec de très nombreuses applications dans les pathologies du segment antérieur [9, 10].
Cette technique permet d’obtenir plus rapidement des images de la cornée et du segment antérieur avec une meilleure résolution. Ce système est largement utilisé pour la prise en charge des affections cornéennes, la surveillance des structures de l’angle irido-cornéen et la planification des chirurgies oculaires du segment antérieur [4].

Dépistage du kératocône fruste
Le dépistage du kératocône fruste représente l’un des principaux enjeux de la consultation préopératoire en chirurgie réfractive. En effet, la préexistence d’un kératocône constitue un facteur de risque majeur d’ectasie cornéenne post-lasik, avec un préjudice visuel potentiellement important chez des patients initialement asymptomatiques, contrairement au diagnostic des formes avérées ou le diagnostic est généralement très simple à l’aide d’un examen topographique.
Le kératocône s’accompagne de modifications précoces au niveau de l’épithélium cornéen qui, par son rôle de “lisseur”, rétablit la régularité de la surface cornéenne pouvant masquer les formes infracliniques. L’étude du profil épithélial à l’OCT permet ainsi de fournir des éléments importants pour le
diagnostic des formes frustes[5.15].
Les éléments orientant vers un kératocône fruste:
– Une carte pachymétrique objectivant un décalage temporal inférieur du point le plus fin.
-Une épaisseur du point épithélial le plus fin <52mm.
– Une localisation inférieure du point épithélial le plus fin.
-Un aspect en Doughnut : amincissement épithélial localisé à l’apex entouré d’une couronne d’épithélium épaissi [6].
Classification du kératocône
La carte pachymétrique de l’OCT est utile au diagnostic du kératocône en montrant un amincissement cornéen para-central inférieur et une différence supérieure à 45 um entre la pachymétrie en nasal supérieur et en temporal inférieur de la cornée du kératocône.


–Stade 1 : amincissement des couches épithéliales et stromales d’apparence normale au niveau du cône cornéen.Dans une étude récente, il a été démontré qu’il existait un amincissement de l’épaisseur de la membrane de Bowman[13].
–Stade2 : hyperréflectivité au niveau de la couche de Bowman et épaississement épithélial en regard du cône.
– Stade 3 : invagination postérieure de structures hyperréflectives au niveau de la couche de Bowman, avec accentuation de l’épaississement épithélial et de l’amincissement stromal.
–Stade4 : cicatrice panstromale au niveau du cône.
– Stade 5 : l’hydrops.

OCT et kératocône aigu
L’hydrops cornéen ou kératocône aigu est une complication rare mais grave qui peut survenir au cours de l’évolution du kératocône [7, 8]. Elle correspond à l’irruption massive d’humeur aqueuse dans le stroma cornéen suite à une rupture de l’endothélio-Descemet avec l’apparition brutale d’un œdème stromal et épithélial.
Au cours de l’hydrops cornéen, toutes les couches de la cornée peuvent être atteintes. L’épithélium est diversement atteint,le plus souvent il existe une atrophie épithéliale.La couche de Bowman prend un aspect fibrillaire avec des épaississements localisés. On remarque aussi des lacunes intra-stromales. La membrane de Descemet présente différents types de lésions, Il s’agit de déformations, parfois d’encoches ou de ruptures en coup d’ongle [11].
Une rupture localisée de la membrane de Descemet caractérise l’hydrops cornéen et est responsable d’un œdème cornéen aigu [12].
L’OCT a donc un grand intérêt en cas d’hydrops, pour visualiser l’existence d’une rupture de la membrane de Descemet et en suivre l’évolution et la cicatrisation.
OCT et traitement du kératocône
Outre la possibilité de réaliser une cartographie de l’épaisseur cornéenne (Tomographie), l’OCT permet au cours de la réalisation du cross-linking, l’obtention de coupes visualisant une ligne de démarcation entre le stroma antérieur exposé à ce processus physico-chimique, et le stroma postérieur épargné. L’étude de la carte pachymétrique de l’OCT est indispensable avant la réalisation d’un cross-linking ou la pose d’un anneau intracornéen car l’épaississement épithélial peut masquer un amincissement stromal si on ne tient compte que de la pachymétrie totale [5.14].
L’OCT est également utile avant la pose d’un anneau intracornéen pour étudier les cartes pachymétriques et aussi pour contrôler le positionnement des segments d’anneau intracornéens.

Bibliographie
1.ZADNIK K, BARR JT, GORDON MO et al.; CLEK STUDY GROUP. Biomicroscopic signs and disease severity in keratoconus. Cornea, 1996; 15: 139-146.
2. Li X, Yang H, Rabinowitz YS. Keratoconus: classification scheme based on videokeratography and clinical signs. J Cataract Refract Surg, 2009;35:1597-1603.
3. Li Y, Tan O, Brass R et al. Corneal epithelial thickness mapping by Fourier-domain optical coherence tomography in normal and keratoconic eyes.Ophthalmology, 2012;119:2425-2433.
4.DAVID HUANG, YAN LI, YALI JIA.Atlas clinique d’angiographie OCT, 2016;42;43.
5.O SANDALI.réalités ophtalmologiques.Revues génerales. 2015
6. Reinstein DZ, Archer TJ, Gobbe M. Corneal epithelial thickness profile in the diagnosis of keratoconus. J Refract Surg, 2009;25:604-610.
7.TUFT S.J, Acute corneal hydrops in keractoconus ophtalmology.1994
8.Grewal S., Laibson P.R., Cohen E.J. Acute hydrops in the corneal ectasias. Associated factors and outcomes Trans Am Ophthalmol Soc 1999 ; 97 : 187-198 | ||
9.Izatt J.A., Hee M.R., Swanson E.A., Lin C.P., Huang D., Schuman J.S., and al. Micrometer-scale resolution imaging of the anterior eye in vivo with optical coherence tomography Arch Ophthalmol 1994 ; 112 : 1584-1589 [cross-ref] | ||
10.Labbé A., Kallel S., Denoyer A., Dupas B., Baudouin C. Imagerie de la cornée J Fr Ophtalmol 2012; 35 : 628-634 | ||
11.Hay A., Rocher N., Dethorey G., Renard G., Bourges J.-L. Le kératocône en images OCT haute résolution en domaine spectral J Fr Ophtalmol 2012 ; 35 : 642-645
12. S. Kallel et al .Journal francais d’ophtalmologie . Apport de l’OCT du segment antérieur “en face” dans le kéractocone aigu ,volume 37 n°8, Page 605-6112;octobre 2014.
13. Yadav R, Kottaiyan R, Ahmad K et al. Epithelium and Bowman’s layer thickness and light scatter in keratoconic cornea evaluated using ultrahigh
resolution optical coherence tomography. J Biomed Opt, 2012;17:116010.
14.JCS Yam, CWN Chan, ACK Cheng – Journal of Refractive Surgery, 2012 – healio.com
15. Karolinne Maia Rocha, MD, PhD; Claudia E. Perez-Straziota, MD; R. Doyle Stulting, MD, PhD; J. Bradley Randleman, MD. SD-OCT Analysis of Regional Epithelial Thickness Profiles in Keratoconus, Postoperative Corneal Ectasia, and Normal Eyes. Journal of Refractive Surgery. 2013;29(3):173-179

Merci pour votre publication, très instructif pou bien comprendre les variations de la structure cornéens en cas de keratocone et ces variations avec le temps