C’est l’histoire d’un entrepreneur, Marc Simoncini, investisseur et producteur dans le cinéma, fondateur de Meetic puis de Sensee, qui a voulu révolutionner le secteur de l’optique en France en promettant de diviser la facture des produits optiques en deux, mais qui a été rattrapé par la réalité de l’optique qui est beaucoup plus complexe qu’elle ne le paraît de l’extérieur.
Tout commence en 2011,Marc Simoncini multiplie les sorties médiatiques, et Sensee est présenté comme un distributeur qui casse les prix grâce à la vente sur Internet. Sensee commence par acheter le site Lentillesmoinscheres.com pour 7,5 millions d’euros et lance son propre site de vente de lunettes correctrices. Mais l’aventure tourne court et le projet est suspendu l’année suivante. L’entrepreneur se voit donc contraint de repenser son modèle économique. Sensee crée alors sa propre marque de lunettes «Origine France Garantie » vendues à 49 euros la monture, et ouvre quelques boutiques dans les grandes métropoles françaises. Cette manœuvre avait deux raisons d’être : la première, d’améliorer les prises de mesures, et la seconde, de se conformer à la réglementation applicable dans le secteur. La société adopte même une position agressive vis-à-vis de la concurrence en axant sa communication sur la comparaison de ses prix avec ceux des points de vente concurrents. Il faut dire que Marc Simoncini comptait beaucoup sur une succession de changements de réglementation pour émerger comme un acteur principal de l’optique en France, notamment la loi Hamon relative à la consommation qui stipule que les ophtalmologistes doivent inscrire l’écart pupillaire sur la prescription afin de favoriser le décollage des ventes de lunettes sur Internet.
En 2019, Lentillesmoinscheres.com réalisait 28 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 2500 références, soit 30 millions de lentilles par an et 10 % du marché. Quant àSensee.com, il plafonnait à 2,4 millions d’euros de ventes, alors que le chiffre d’affaires des opticiens français se chiffrait à quelques milliards d’euros. Finalement, le groupe Sensee a connu la même fin que son prédécesseur Happyview.fr fermé en 2019 après avoir été racheté par Afflelou. L’entreprise de Simoncini est reprise en début 2020 par Acuitis, son fondateur abandonne le secteur de l’optique et le site annonce la fin de l’aventure quelques mois plus tard.
Une histoire riche en enseignements, mais ce qu’il faut retenir c’est qu’être opticien ne s’improvise pas. Le métier est pluridisciplinaire, il touche à beaucoup de domaines qu’il faut maîtriser. Les actes réalisés par l’opticien demandent de la technicité et un certain savoir-faire pour équiper des personnes dans le besoin. Le contact avec le client est primordial, que ce soit pour le choix de la monture, pour la contactologie ou pour les conseils personnalisés que prodigue l’opticien. Ce dernier s’occupe en réalité de «la gestion du port de l’équipement » ; cela englobe la prise en charge, l’équipement et le suivi du patient pendant toute la période du port. L’autre aspect de la pratique à ne pas négliger réside dans la verticalité qui domine les tendances de l’économie mondiale actuelle. Ce concept vise à maîtriser toutes les étapes par lesquelles passe un produit, de la fabrication à la diffusion, et cette façon d’écouler les produits permettent une meilleure maîtrise de l’écosystème dans lequel se place la marque, mais qui a la fâcheuse tendance à supprimer les intermédiaires.
Avec l’arrivée de la télémédecine, des nouveaux procédés de réfraction objective et de l’intelligence artificielle, c’est toute la filière visuelle qui traverse une période de changements qui vont bouleverser la pratique. La profession doit faire face à de nouveaux défis, et l’opticien doit trouver sa place dans l’écosystème qui se dessine maintenant. Le métier doit constamment évoluer, diversifier son activité, chercher à améliorer la pratique tout en restant à l’écoute du marché, sous peine de disparaître à jamais.

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